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Le Phonème Bohème
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Le Phonème Bohème
3 mai 2015

Marguerite

Comme disait mon grand-pôpà féministe, "Fais jamais confiance à une femme; même arrachée, sa tête peut encore te mordre!" Un homme sage et tempéré et humaniste et chic et égalitaire, mon grand-père... La chenille du papillon portant le nom de "Lâcheté", plus vraisemblablement... Vivotait dans son coeur ou dans sa tête. Il a battu sa femme souvent il a bu tout le temps et c'est en grinçant des dents qu'il est mort du cancer de la mandibule. Mandibule qu'il ne voulait pas qu'on lui enlève, enthousiasmé qu'il était de proférer plus d'horripilantes bêtises. T'apprendra à dire des saloperies tout le temps, brave poltron! Il s'est caché à l'intérieur d'un cocon de clown noir pendant soixante ans et a tâché de vampiriser Marguerite, ma grand-maman, jusqu'à la fin (sauf sur son lit de mort où il ressemblait à un enfant osseux au regard de vitreux chevreuil fuyant la mort). Mais la louve noire a bon coeur. Plus que le léonin zénith du patriarcat, anyway. L'homme mûr faisant frémir sa crinière de gras en rugissant pour cacher sa peur et sa honte est mort sans se rencontrer. Personne ne veut connaître son histoire. Heureusement, les vers ne jugent pas celui qu'ils digèrent, sinon sa dépouille serait encore là pour tenter de nous damer le pion!

Ele est restée très humaine et très libre dans son coeur et son ventre et jusqu'à la fin, la Marguerite. Elle n'est pas morte en même temps que lui, évidemment! Aux Indes, souvent, les femmes se jettent dans les flammes du bûcher où crame leur défunt mari. Ainsi expédiées -catapultées mettons?- dans l'au-delà, ce que la communauté juge comme de vilaines veuves, d'effrayantes femmes au vagogre grignoteur de ces messieurs devient un sac de poussière pour emporter. Ces hindoues deviennent ainsi des saintes. Elles ont "le choix", c'est sûr, sauf que... plutôt que d'être possiblement persécutées par la belle famille ou que de vivre d'itinérance et de prostitution, elles ont un aller-simple pour le Nirvana. C'est drôle mais j'ai de la misère à les imaginer aller, brinquebalantes et claudicantes, aller frencher la camarde les yeux fermés pis l'smile dans face. Scusez, c'est juste que dans mon esprit, le pays aux mille visages et aux villes-mirages sécrète d'la religiosité à la tonne et il n'a su se pourvoir d'amour et de respect pour la moitié de son espèce, les femmes, responsables de tout l'usufruit humain. C'est pas rien! Finie, la brèche habituelle et apportuniste vers des anecdotes qui sentent le patchouli et l'injustice. Fini aussi, mon culte intransigeant d'la bite en acier: Shiva lingam, va te promener ailleurs. Va donc purifier l'rosier ou les ronces!

Tout ça pour dire qu'après que papy soit parti pour le pays des fantomatiques gugusses à deux sous, grand-maman Marguerite s'est trouvé un amoureux quinze ans plus jeune -bon amant à ce qu'il paraît- et qui l'a traitée avec amour et respect jusqu'à la fin. Elle est décédée de sommeil, c'est-à-dire de vieillesse, alors qu'endormie. Hé hé! Je ne me demanderai pas qui a perdu, mais je ressentirai que la vie a aimé ma grand-mère jusqu'à la fin, parce que ma grand-mère a été le flot continu de la vie, une énergie lumineuse que les mauvaises ombres (y a de belles ombres quand même!) ne peuvent ni caresser, ni effleurer, ni même dévorer. La beauté et la dignité l'aiment. L'espoir et la bonté aussi. Ses efforts et sa génétique de guerrière au grand coeur surtout!

On vit dans un monde de queues, mais le mépris dans mon livre à moi, il a deux sexes. Une de mes copines féministes m'en voulait d'être dubitatif quand elle parlait d'égalité entre sexes, moi qui m'était trouvé perdant dans bien des relations, que ce soit en amour avec les femmes ou en amitié avec les deux sexes. J'lui ai expliqué: "il faut toujours tendre tendrement vers le respect, l'égalité, la discussion sincère et la bienveillance, mais dans ce monde de queues, j'me sens souvent floué même par mes amis de gars, mon boss ou tel prof un peu fasciste. L'égalité est conceptuelle: même entre hommes elle n'existe pas ou certainement pas de façon systématique. Un dude peut bien battre tel autre parce qu'il dessine de plus jolis bonhommes-allumettes que lui. Les idiots consanguins de tout extrace continueront de s'écrier "J'ai scoré!!" sur les champs-de-bataille. Mais on peut p't'être les ploguer sur un simulateur pis les nourrir au soluté? Leurs guerres et leurs victoires sont illusoires, dans tous les cas.  Les motifs se réinventent, le crime du mépris, non." Et là mon amie Margot a dit "C'est pas une raison pour laisser tomber la lutte pour les droits des femmes. Elles demeurent souvent opprimées, sont souvent sous-payées par leur employeur, même quand elles ont un meilleur bagage et de meilleurs résultats académiques que l'autre employé qui a eu la bonne idée de s'faire aller l'salami entre deux propos grossiers faisant l'apologie d'la loi du plus fort et du dégoût devant la victime." Je me tus alors, me disant qu'elle avait franchement raison et qu'il est aisé de relativiser quand on est blond aux yeux bleues, qu'on a le boyau d'arrosage qui traîne sur la cour asphaltée et pas même trente ans qui sonnent, pis qu'on est né des entrailles d'une civilisation nordique. Bref, que chuis un gêneur.

À défaut d'avoir prêché pour la masturbation sur la tombe de mon grand-père, dont la dépouille lunaire doit nourrir les alligators d'un cosmos d'étoiles et de néant, j'allai déposer des marguerites sur le sépulcre de ma merveilleuse grand-maman. Et qu'un dieu tentaculaire aux millions de queues rétractables vomissant du mépris au pH dangereusement élevé sur Pachamama existe ou pas, j'aime les femmes, grand-maman a eu deux belles décennies de bonheur pour fleurir son jardin et j'connais plein de femmes fortes, indépendantes, capables de désosser un agresseur de leur seul rire et par le pouvoir de leur volonté. Parfois, l'homme est un requin et la femme est l'océan. Mais en ce qui m'concerne, je préfère et de loin "Gulliverte" d'Anne Sylvestre à "Misogynie à part" de Georges Brassens. Come on, Anne, fais d'autres tounes engagées!

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