Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Phonème Bohème
Le Phonème Bohème
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 2 963
Le Phonème Bohème
20 mars 2015

India o muerte

Des fois, je me rappelle l'Inde. Quelqu'un me raconte les super aventures de sa laveuse kleptomane et des mystérieux bas perdus. C'est dans ces moments de qualité que je repense à mon voyage en Inde avec Hélène (bon, dans l'autre texte, elle s'appelait Marie-Ève, mais peu importe, puisqu'elle ne s'appelle pas Hélène non plus) et je suis nostalgique des odeurs (la puanteur qui VIOLE tes narines à chaque coin de rue et qui t'offre un kebab de temps en temps pour se faire pardonner l'odeur de la mort!). Je repense...non! Mon corps tremblotant se souvient des couleurs, du vacarme et des habitudes de ces gens que je trouvais si tordus.

Trois minutes dans la vie d'une tête de voyageur:

Aahhh, ce gamin nous offre de nous aider à retrouver notre hôtel! Les gens sont si gentils et serviables ici!

-Here's the shop of my uncle!

-Hey! We said we were going back to our hostel!

-Have a nice day sir!

-Aaah, chus tanné d'marcher dans les rues d'icitte, Hélène. Pourquoi y affichent pas le nom des rues nulle part?

-Je sais pas, tendre toi.

-Mon sac est lourd, je me suis blessé au pied (crisse de vache indienne en sabots tranchants!)

-On doit pas être loin, je reconnais cet endroit.

-Mais hier, tu disais que tu le reconnaissais pas, cet endroit!

-J'oubliais, le musicien barbu m'a invité à souper et pour un massage dans son hôtel, ce soir.

-Je m'excuse Hélène!

-Bon, alors, comme je disais, on doit pas être bien loin!

-Tu as raison ma chérie. 

"Rrrrrrouuuuu! Rrrouuuuuu! Rooooouhhh!"

-T'as entendu ça?

-Regarde là-haut!

-Wow!

Des milliers de pigeons te regardent, te jugent, te chient dessus, ont des yeux oranges et un plumage couleur "caca de pigeon qui t'a chié sur ta gueule de pigeon du haut de sa corde à linge".

-Bon, j'pense qu'on devrait continuer notre route!

Pis là, t'as pas fait trente mètres qu'une vieille femme amère t'adresse la parole en hindie (supposition de néophyte en matière de langues) et montre sa gueule en disant "Chapati, chapati!" Fait que, tu veux comme lui remplir sa bouche de chapati et t'en aller au plus crisse :ça sera toujours moins long que dire "non" et justifier ton droit à l'existence de riche touriste blanc dans la vingtaine assez culotté pour avoir une sale de queue entre les deux cannes. Sauf que la vieille t'en prépare une bonne à la mode de chez elle:

-Chapati! Come! Come!

-On la suit-tu?

-D'accord.

-C'était une question en fait (et j'espérais que tu dises non...).

-Here!

La vieille pointe un commerce, une petite boutique de coin de rue qui vend des poches de farine.

-You buy that!

-Est-tu folle?

-Aye chéri, faut pas dire ça, c'est une vieille femme. Ça doit pas être bin cher de toute façon...

-Haaannnn.... How much for that? It's flour, right?

-Only threeee huuundreeed rupees. Indian price!

-Tu me rassures... Bon, pas si pire. J'espère au moins qu'y sont pas d'la même famille!

-Ah mon raciste, hey que j't'aime! Quand j'vas raconter ça aux amies, en revenant à Montréal...

-Chus pas raciste! Come on: ça fait trois semaines qu'on est icitte, pis on s'est bin faites fourrer deux fois par jour en disant merci! Si c'était arrivé au Québec, j'aurais cassé sa gueule au vendeur à la première incartade!

-C'est pas vrai! T'aurais rien fait! Flanc mou, flanc mou!

La personne "plus vieuse" pointe la poche de céréales.

-Grrr! Aye, on dirait que la dame veut que je porte son achat.

Et puis on marche un bon vingt minutes dans la ville jusque chez la vieille et on voit sa demeure, dans laquelle elle ne nous invite pas, petite bicoque taillée dans un bloc préhistorique de biscuit soda ou si peu s'en faut... "Wouf! Y z'ont l'air pauvres là-dedans!"

-Et malheureux...

-Et à l'étroit.

-Thank you, now go away.

Tsé, si tu ne te sens pas floué en Inde, c'est que t'as un ADN de battant, que tu mesures six pieds huit dans ton estime de toi, que tu cris plus fort que le quotidien abrutissant qui ne laisse aucun doute à personne là-bas: t'es né pour un petit chapati et les touristes sont là pour te faire de l'ombre alors quand il fait chaud, c'est pratique, sers-t'en comme paravent ou comme ombrelle. Pas de gêne.

Et puis, l'instant d'après, le destin dément tous tes propos et idées préconçues: on t'amène amicalement rencontrer un grand gourou au milieu du désert (celui-là même que t'as jamais demandé à voir) et il dit à ta blonde qu'elle est grosse, qu'elle a du poids à perdre. Tu retiens ladite blonde, laquelle est bien plus forte que toi et tu le sais, pour qu'elle ne dépiaute pas monsieur le baba. Sauf que mais. Tu montes à l'étage de l'ashram, loin du vacarme, des touristes et croyants venus se faire fourrer et donner de l'argent à la superstition, t'arrives enfin au deuxième et une petite fille timide demande à une indienne dans la trentaine de traduire ses paroles: "She's asking if you would like to play with her." Et tu joues aux billes en après-midi avec ta blonde devenue un instant calme et humaine (elle sera une maman fabuleuse, Hélène, je vous jure!), une petite si gentille et charmante, la servante te dit que ses parents l'ont envoyée vivre à l'ashram pour servir le gourou et qu'il est dur, sévère et avare envers elle. Et la petite fille, la petite, elle te donne l'une de ses billes. Et toi tu ne donnes rien et tu ne trouves plus rien à dire après avoir dit merci et au revoir. Tu te rappelles un regard, la luminosité, la poussière et la chaleur. Tu sais qu'aucun gourou d'la terre a la beauté, la générosité, la sagesse pis l'humilité naturelle d'la p'tite fille. En fait, humilité est pas le mot: elle a aucun craving, aucune prétention, c'est une enfant dans le désert qui t'a offert une bille de son trésor.  

Et t'es un sale fasciste désillusionné de la vie et de l'humain depuis mille ans, t'es aussi capable d'amour qu'un poteau, mais chaque fois que tu repenses à cette petite fille, tu brailles ta vie et tu vendrais ton âme pour lui donner autant d'espoir et de dignité qu'elle en mérite. Je me hais quand je repense à la réalité des gens que j'ai connus là-bas. Pourtant, il ne faut pas. 

Cinq minutes, j'avais dit. Bon, alors on continue. C'est quand on me connait qu'on sait que je n'aurais jamais du savoir naître et savoir écrire. Les fillettes de l'Inde vivent en haillons alors que tu portes des pantalons propres et tu oses ouvrir ta gueule de cuillère d'argent pour donner ton opinion.

Bref, j'adore l'Inde et ses habitants. Mais encore? Je hais l'Inde! Car là-bas, tout est paradoxe, thèse et anti-thèse, folie et sagesse. Je déteste ce pays de cinglés qui polluent et jettent leurs déchets partout par terre. En Inde, une poubelle par kilomètre carré, et c'est purement décoratif. Les baba et sadhû rencontrés sont plutôt pervers, opiniâtres, bavards, plus occidentalisés que les autres Indiens, rarement agréables. J'vas-tu me fixer en parlant de ce pays? Suis-je en amour avec l'Inde? Suis-je en processus de divorce? C'est confus, mais mon coeur vit une relation d'amour-haine avec cet endroit mythique (et mon système digestif pleure en cachette en y repensant).

Et donc, la femelle du début de l'histoire est en train de me parler de ses bas, de ses études en droit, de la façon dont son make-up fitte avec ses vêtements et son identité profonde, alors je replonge de plus belle dans les miasmes du passé, trois ans plus tôt, alors que Hélène et moi nous trouvions à Jodhpur, la ville bleue, saphir au milieu du désert du Rajasthan, le pays des rois. Nous écoulions des jours heureux au Diamond Guesthouse, buvant le meilleur café instantané en ville (cher mais bon!), placotant avec la marmouche environnante et admirant les gouttières se trouvant à même le sol où passaient les eaux grises transportant des sacs de plastique, mets favori des vaches sacrées du Nord. Nous nous promenions donc dans des ruelles étroites et tortueuses comme l'esprit et l'argumentaire d'un parti d'extrême droite (mettons les Démocrates ou les Républicains, par exemple) plusieurs heures par jour. De retour au guesthouse, épuisés, courbaturés, je mentionnais habituellement à Hélène que je devrais tenir un journal, prendre des notes. Et puis quoi, après? Devenir une bonne personne? 

C'est anguleux, que nos visages plongeaient dans des pâtisseries peu sapides de petites boutiques que leurs gérants psychotiques osaient appeler "German bakery", dans l'espoir d'attirer les touristes allemands et les autres. C'est tristes, que nos coeurs, s'éloignaient... Elle et moi ne nous reconnaissions plus.

-Non! Hélèèène! Ne me quitte pas pour ce musicien barbu à la queue juteuse et aux gros doigts, je suis fin et talentueux! Cultivé pis toute! 

-Mais voyons, tu comprends pas: avec le musicien, c'est pas sérieux, c'est juste du cul (bon, des nuits interminables de sexe torride par derrière à rire en marmonant ton nom et en criant que le féminisme m'a libérée des queues que j'étouffe dans ma viande béante aussi, hi hi hi), mais c'est rien, comparé à mon amour pour toi, et pour moi en train d'être aimée, servie, adulée par toi!

 -Aaah! Tu m'as jamais dit quelque chose d'aussi... humain! (J'vas finir par la changer en l'aimant assez!)

Mais vous ne pourriez pas comprendre les rapports uniques, complexes, chaleureux et parfois un peu abusifs que nous entretenions, Hélène et moi, car nous nous aimions comme le cheese whiz aime sa biscotte, comme la guerre en Afganisthan aime les orphelins amputés, comme Godzilla tripe sur Tokyo, comme grand-môman aime le Bingo (Bingooooo!!), et vous n'avez jamais aimé personne, n'est-ce pas? En tout cas pas de cette façon (j'vas bientôt publier un roman Harlequin). Nous étions si proches qu'elle couchait avec lui dans le lit où je dormais. L'amourrrr avec trois "r" à la fin, bref. Mais...

The girl who wore socks (ne pas confondre son voisinage phonétique, à savoir "whore sucks"):

-Tu m'écoutes-tu quand j'te parle? 

-Eeee... Oui?

-De quoi j'te parlais, d'abord?

-D'la couleur de tes bas, du fait que t'as complété ton année de barreau, rajoutant que t'aime pas les enfants, les Amérindiens qui chialent pour rien, que tu vas investir dans une collection de tableaux d'art contemporain pis qu'l'impôt veut ta peau?

-Haaan! Tu m'écoutes mieux que moi-même, mieux que mon chum!

Soliloque: Fioou! Touch down

-Veux-tu qu'on couche?

-Ton chum c'est mon meilleur ami!

-Tu réponds pas à ma question: VEUX. TU. QU'ON. COUCHE!

-Tes questions ont des airs d'affirmation ou de contines de Staline à l'impératif présent...

-Asteure, en-dessous d'la table, pis fais du lèche-cyprine!

-Trop d'honneur madame! 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité