Les mots déploient leurs voiles à partir du moment où ils ont besoin de vous
Une autre bouteille jetée à la mer
Qui me revient remplie de viscères
Message de l’au-delà pulvérisant
Le château de cartes des flots avec fracas
Les mains algueuses de la houle
Éternellement radoteuse
Sont étrangères à la notion
De possessions matérielles
Et tandis que je débouche cet objet de verre
Me revient l’odeur de la peur
Plusieurs rangées de dents,
Un système nerveux à la fine pointe
De la prédation et l’œil torve du squale
Qui nage profondément dans sa phase orale
Vivant seul sur une île occupée
Par des canaris et des oiseaux du paradis
Même les fleurs ont hâte que je casse ma pipe,
Question d’absorber mes nutriments
Une orchidée est une orchidée,
Le temps est le temps
Il se métamorphose tour à tour
En bise, zéphyr, mistral
L’invisible joue avec la structure des choses
Et des êtres, les pensées et les croyances
L’air du temps devient vite obsolète
Mais sur un fragment d’archipel,
Tout revêt l’apparence et la nature de l’absolu
Infiniment seul, heureux et vivant
À méditer dans l’ombre étoilée des cocotiers
Chasser du perroquet pour manger du pigment
Transformer ces boîtes à musique en festin de roi
Pour les oreilles et m’éveiller d’un songe basané
Où mon imagination vagabonde se serait évadée
Bobluc, réponds à la question!
Si on multiplie l’hypothèque par les désillusions
Pour en soustraire le goût de vivre,
Exposant le souffle coupé, dans combien de temps
Se verra-t-on prisonnier de rêves
Qui ne sont pas les nôtres,
L’âme immergée dans l’eau de javel
Des attentes d’autrui, celles que l’on imagine
Avec tant de virtuosité, pour apercevoir
Cette houle de goules que sont les gens désœuvrés,
Possédés par le Spleen?
Tout est toujours à recommencer
Même sur mon île déserte mes angoisses,
Mon appréhension face à l’avenir
M’extorquent les joyaux de l’instant présent
Alors je braque mon regard vers l’horizon
Et fusille les nuages des prunelles
Pour m’assurer que pas un seul avion
N’approchera à pas de loup
Mon lopin d’espoir
Je bois à même le goulot
Pour me désaltérer
Cet extrait de chimères, de mirages
Cette oasis à l’abri sous verre
Est de l’eau de glacier pour la psyché
Je me nourris de moi-même,
L’azur me donne le tournis
Les lames de fond hérissent leurs crêtes
Remontant à la surface comme de jeunes coqs
L’éclat smaragdin hallucinatoire
Des vagues vaudous est une bénédiction
Pour les prunelles qui se radoucissent
Le battement des paupières se synchronise
Avec l’infiltration d’eau saline dans les poumons
Pantin océanique, mon ventre remonte vers la surface
Du monde bleu et gracile, une méduse ventriloque
Ces filaments, ces tentacules sont mes tripes
Animiste, Aurélia Aurita se joue de moi
Astrologue en herbe, symbiote en astral
J’approche des abysses et mon épiderme
Renaît des pétales de la mémoire sensorielle
Qui ondule au rythme des flots
Mon scaphandre devient un jardin d’anémones,
Une fleur de chair visitée par du plancton
Phosphorescent lorsque la nuit transmute
Le bleu électrique qui cisaille la turquoise aquatique
En noirceur satinée peuplée d’êtres surnaturels
Monstrueux, féeriques, démoniaques
J’ingurgite mes viscères pour faire de la place
À un modèle réduit de voilier
L’archétype du voyage embouteillé
Et si la forêt est peuplée de gnomes,
De trolls, de dryades et de fripons
Sylve viscérale où dansent les âmes
Des sentiments anciens
Quelles ressources vivifiantes se trouvent
Sous la surface argentée du miroir des océanides
Alors qu’elles fracassent le mur du sens
Et rehaussent le réel d’émerveillement?
Des questions orphelines sentent sonner le glas
Du bouillon d’onze heures, au milieu d’un blizzard
Qui s’engouffre dans la gueule de l’océan
Reste-t-il quelque chose de délicat
Pour donner aux viscères l’envie d’exister?
Ton sourire impie, tes étoiles de rousseur,
La fragrance de ton cou que couve
Ta longue chevelure bouclée
Me hantent toujours la nuit
Et le désir de vivre, de vivre
Qui me pourchasse à pas de loup
Construis des cités de sel dans mes orbites
Et fais-moi pleurer pour retrouver l’essentiel
Une respiration profonde, les sens exacerbés
La pleine conscience à l’épicentre
De l’instant présent, de relations vivantes,
Rien que ça!
Et si tu n’es pas satisfaite d’hanter mes pensées,
Le terrain de jeu de mes tripes
À feu et à sang, dis-toi
Que j’ai suffisamment peuplé le passé
Des hurlements fantomatiques
De mon phare dans la nuit,
Que la banalité du quotidien commence par toi
Et que la musicalité des pierres du monde
Renaît des notes minérales
Dont je me repais, me sustente
En faisant pénétrer mes quenottes
Dans l’éclat des petites révélations
Et l’obscurité de l’inspiration,
Funambule en otage
Entre le goût de vivre
Et l’arrière-goût d’en découdre
L’émancipation du ressenti
Hors du sarcophage des ères glacières
La renaissance du soi
Envers et contre les ténèbres
Qui macèrent dans l’estomac
De fleurs carnivores
Dont les parfums capiteux et l’élégance
N’ont d’égal que la capacité
À transmuter murmures au creux d’un cou,
Gémissements et soupirs
En bonheur transcendantal
Et si tout ce qu’on se dit sur le réel
Est tissé de la douceur argentée
De la trajectoire d’étoiles filantes
Ivres de pérégrinations cosmiques,
Peut-être que la logique sacrificielle
Où souffrance et créativité s’entremêlent
Laissera place à la naissance d’un rêve
Tout bête, tout délicat :
Que toutes et tous puissent vivre
Jusqu’aux confins d’eux-mêmes,
À l’état de métaphores vivantes