RCR pour une expression essoufflée
Un univers sans virgule
Serait l’hiver volcanique de la langue
Française telle qu’on la connaît
Sans ponctuation, plus aucune originalité
Dans la composition
Du paysage de la phraséologie
Qui plus est, les gens
Asphyxieraient bien assez tôt
En tentant de communier ensemble
Par le biais des mots
Et bouffis, bleuissant
Deviendraient des goules
Que le soleil de la syntaxe flétrit
Fleurs de chair torturées
Par la structure de la phrase
Ou tomberaient dans l’enfer
Des discours abrégés
Le récit deviendrait un récif
Pour le navire du sabir
Qui serait bien vite éventré
Vaisseau fantôme linguistique
Tous ventricules dehors
Entouré de lacunes littorales,
De lagunes littéraires sans retour
Sinon les retours de lame des bras
Chargés de merveilles indicibles
Qqui ne poussent, ne nagent, ne respirent
Pas en vain au milieu des sept mers
Ne… respirent?
Cela me souvient une histoire
À propos de paysages grammaticaux
Dont me parlait souvent ma grand-mère,
Et peuplés de bestioles fantastiques
Tels que des mots rehaussés de l’or de la virgule,
Petits animalcules exauçant au fond
Tous les souhaits de l’eggrégore
Tant qu’ils soient nimbés, nacrés de la présence
Invisible de la ponctuation
Ange de mer fricotant
Avec les profondeurs enivrantes des abysses
Et ayant au ventre la joie, l’envie de vivre
Car nous sommes tous les savants fous
Créateurs de sens, qui régénérons le réel
Qui évoquons la fertilité
De l’amphigouri lorsqu’il se cultive,
Et les âmes gouliafres effectuent
La danse du sabre de leur franc parler
Sous l’arbre aux pendus de la phrase essoufflée
Elles transmuent le souffle que l’on retrouve
À l’interstice de chacune de leurs palabres macabres
En virgules incantatoires, en l’ombre enchanteresse
De l’envers du décor lexical
Et de leurs forces ensorceleuses
Fleurissent le langage