Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Phonème Bohème
Le Phonème Bohème
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 2 961
Le Phonème Bohème
7 novembre 2023

Vivre

Tu es accroupi sur la banquise. Tu as oublié ton papier de toilette. Pas le moindre petit arbre à la ronde, encore moins une toilette chimique. Des pingouins te jugent. Qui sont-ils pour avoir les prunelles rieuses ? Tu attrapes un bébé pingouin par le collet et t’essuie sur sa jeunesse presque doucereuse. C’est si bon d’absorber la chair du vivant. Tu regardes le soleil. Il te semble organique. Tu ouvres la bouche. Jack et les muqueuses magiques. Ta langue longue sort jusqu’à n’en plus finir de pourfendre des nuages lors de son ascension. Transcendantaux sont les plaisirs de la gueule. Tu happes l’astre solaire de toute ta phase orale. Tu digères ses rayons. Noyau rime avec joyau. Au-dedans, c’est la tempête solaire, précieuse déflagration de cet idéal de vie qui est le tien. Les étoiles filantes partent aux confins des multivers, baluchon sur l’épaule. Il est temps de célébrer cet espace qui existe au plus profond de toi. Emmitouflé dans ta conception du monde, alors que celui-ci change à chaque instant, tu te métamorphoses en ce qu’il y a de plus grand et de plus doux en toi. Bravo. Tu y es arrivé. Tu as complété ton baccalauréat. Etape suivante : te marier et remplir d’enfants ta douce moitié. Dénicher une chaumière. Acheter une belle petite voiture toute rouge. Survivre à un effroyable accident de la route. Toi, mais pas ta femme, tes enfants. Vivre les joies de la quadriplégie, tout seul comme un grand. Les années s’égrènent. Tu espères rêver, mais non. Pendant ce temps-là, dans le logement d’à côté, une femme pleure parce qu’elle s’est cassé un ongle. Mais tous les ongles de la vie, et les côtes, et les jambes aussi. Abîmés. Cassés. Fracassés. Tout cela et même pire. Ressentir de la gratitude de tous les atomes de son être. Car quadriplégique, veuf, pleurant ses enfants, non. Ça ne marche pas comme cela ? Tant pis pour toi. J’achète mon billet pour la grosse gratitude vingt-quatre carats. Frenche mes névroses. Offre un clin d’œil à mes tares, mes imperfections, mon très contextuel sentiment d’impuissance devant le miroir des apparences. Lui offre un puissant coup de genou et puis, remercie finalement la vie. Mon aorte et mes ventricules ronronnent. Gratte, gratte, flatouille, flatouille. J’ouvre les yeux sur une fresque nouvelle, des instants à m’en couper le souffle et mille raisons d’exister, de respirer à pleins poumons le zéphyr de la providence. Puisque vivre est si bon.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité